Comment se rendre compte?

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Ils dorment mes effrayés de la vie.
Au bout du couloir, à droite ma mère et son masque à oxygène. A droite, là où la musique un peu trop forte traverse la porte, mon frère.

Moi, je dors dans le salon dans le canapé non déplié bien que convertible. Les yeux grands ouverts, je me dis qu'il faudrait prendre une photographie du lieu où je dors, où ils vivent. Tout accès au dehors, balcon, porte donnant sur le couloir est bloqué par des cartons non défaits, d'autres venus là pour vider ceux cités précédemment selon une logique dont seule la mère a la clé. Des journaux empilés, une table à repasser bloque la porte-fenêtre. Des objets en double, triple. Tout pour se cogner, rien qui ne permette d'aller à sa guise.

Tout à l'heure au réveillon, ils étaient soulagés que nous ne soyions que tous les trois

Moi, je viens ici selon une partition bien réglée 2 nuits, 1 sortie.

Quand le dîner arrive, mon frère diffère ou oublie ses médicaments pour être éveillé, ne pas manquer ces instants. "Même mon chat est content de te voir". Ma mère veut faire les choses en grand comme si un étranger venait partager ce réveillon avec eux.

Aujourd'hui, nous sommes allés voir la mer. Pour les quidams, ce serait une évidence, un acte simple. Pour eux, il faut préparer le terrain comme une expédition pour une transhumance: regarder la carte, s'assurer que la destination ne soit pas source d'angoisse, qu'un refuge s'y trouve, mettre de l'élan dans les matins, éviter les langueurs qui immobiliseraient l'acquiescement.

Sur la plage, là où l'envie de flâner, de s'allonger sur les galets chauds, de laisser le vent et le soleil étreindre le pas et les visages. Mon frère hésite entre me suivre et se planquer dans les pierres nues de marée basse du port. Il sait que mes mains n'en finiront jamais de se tendre pour qu'il s'y appuie. Ma mère s'essaie au lâcher-prise, comme on surjoue le bien-être quand on est mal à l'aise. Aux passants croisés, ils baissent le regard comme s'ils se tenaient pour blessures, comme s'ils s'excusaient d'être là.

Au café, ils reprennent vie, cachés de l'extérieur, à l'abri du monde. Au zinc, un homme discute avec la patronne. Je sens le regard qui fait la distinction et je sais que je donne le change en les protégeant. Elle me regarde pour prendre la commande, ils s'adressent à moi pour leurs choix.

Sur la route, mon frère se retrouvera, fera des plaisanteries. Sa main sur mon épaule "Merci G. pour la crêperie et tout."


Ils sont sonnés, comme soûls de vie, cognés par sa simplicité.












J'envoie des messages sur un écran tactile pour m'assurer l'air de rien que je vais bien....
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