conversations with other women, de Hans Casanova

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Elle, 7ème demoiselle d'honneur, invitée au dernier moment. Lui, frère de la mariée. Neuf ans après, ils se retrouvent. 9X365 jours sans aucune nouvelle. Elle a refait sa vie à Londres, elle dit etre heureuse et avoue que la tristesse lui manque. Lui est avec quelqu'un, ça n'est pas sérieux, sinon ce serait fini. Elle dit qu'elle connait les hommes comme lui. Chacun abat ses cartes et ses remparts, cabotine et dit vrai, joue sur ce qui séduit ou fait enrager l'autre. Un goût d'inachevé et de point de non-retour atteint. Après lui, elle a quitté New-York. Un besoin d'être seule résolument. Elle n'est plus toutes ces choses qu'elle était avant, elle est aussi d'autres choses qu'il ignore. Sa peau est parcheminée, les cernes la magnifient. Elle sait que le mensonge est aisé une fois qu'on est lancé. Elle se sent plus vieille que son age réel, ironise sur sa décadence à venir. Elle le bouscule,le met au défi, flirte avec les vérités et les demis-vérités. Après elle, il est resté à New York, il l'a cherché. Il se sent souvent seul, il aimerait parfois qu'on lui parle d'elle au lui de taire son nom. Il découvre qu'il ne la connait pas, se remémore une scène avec moult détails. Son corps est devenu, pour elle, un tronc d'arbre au fil des ans. Il jalouse son présent, traque les moindres parts de sa vie actuelle. Il essaie de la convaincre de revenir en arrière, lui promet d'etre le veilleur de ses derniers jours. Son ex-femme-Elle était un "très bon coup" et "une très bonne amie". Un silence suivra ces derniers mots.

Un goût d'inachevé et de point non-retour atteint. Des choses révolues, des choses qui peinent à revenir.  Univers clos ou alcôve, une chambre d'hotel le temps d'une nuit. Le split-screen fragmente et intensifie l'intimité de cette rencontre à rebours. L'un commence une phrase, a un geste, l'autre le complète. Qu'importe qu'il ait un nom ou un prénom, ce sont simplement un homme et une femme qui "comme tous les personnes qui s'aiment véritablement ont le chic pour se rendre malheureux". Derrière les visages d'Helen Bonham Carter et Aaron Eckhart, chacun dessinera le visage qu'il voudra, esquissera un sourire sur ces codes inventés entre soi et l'autre . Le film repose sur le choix d'une mise en scène fragmentée et sur l'interprétation humble et forte des acteurs. Dans les rencontres à rebours des personnes que l'on a aimées, il y a ces intimités que l'on concède, la chevelure défaite, le corps marqué, les confidences entre adolescence et gravité sourde,les blessures laissées et oubliées avec la vacuité de l'objectivité.Une innocence perdue, une lucidité échue. Un thème parcourt le film, un frisson sans connotation affective, un état de l'être homme ou femme, qu'importe. La solitude qui habite les êtres au coeur de l'amour, celle provoquée par l'absence durable de l'autre, le deuil d'une certaine idée d'être avec l'autre. On en revient toujours, bancal ou pas. Un film chaud et lucide, sans promesse, avec ce quelque chose, nous donne à croire que l'autre y répond, qui cogne: "notre besoin d'être consolé est impossible à consoler". *

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Stig Dagerman


Publié dans Ecrans

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