Des tâches rouge sang au fond de la classe I

Publié le

Après-midi de fin semaine, deuxième de cours avec la même e. C. entre "M'zelle, j'sens que j'suis àc ran là mais j'vais essayer." Accord tacite entre lui et moi, comme avec beaucoup dans la e, la concentration est suspendue à un quota infime d'attention. A moi, d'équilibrer le cours entre l'air de rien et implication, de choisir les activités pour les capter sur ces deux modes.

 

C. s'installe au fond, comme à son habitude, il ne prendra le cours qu'en courant alternatif, participera autrement. T. est devant lui. T;, arrivé des Comores depuis trois ou quatre ans, s'accroche avec la langue française chaotiquement. Lors de son stage, réparer lui convenait mieux qu'expliquer au client.

 

Le cours ronronne, pourrait-on dire, ça ressemble à une rivière sans heurts, ça surligne, ça complète, ça essaie...

 

Au fond, côté C. et T. de l'agitation. Un regard temporise un peu, juste un peu. T. "M'zelle il me manque de respect, je change de place." T; est de nature bougonne, mais là il est debout, un peu tendu. J'acquiesce et balance un regard noir à C.

 

Puis, il y a ces mots prononcés tout bas. T. s'est levé, a fait un mouvement vers C. qui s'est levé, les poings sont partis, francs, directs, droits sur le visage. Me lever, O; un des élèves les plus proches a sauté entre eux, lui interdire de le faire, B; retient T. . Faire sortir C., envoyer M. chercher un surveillant. Evacuer les deux, éponger le sang qui a laissé des flaques au fond de la e. Reprendre le cours, comment? jamais su, mais les rares fois où ça s'est passé comme ainsi, ne pas perdre le contrôle, on n'y pense même pas, en dedans se dire c'est impossible que le cours reprenne et au-dehors c'est pourtant le cas.

 

Fin des cours, aller à l'infirmerie, la C.P.E en bonne fonctionnaire " Moi, je finis à 16h". T. a le nez gonflé, les mouchoirs tâchés, C. se met de la glace sur le nez. Croiser le principal-adjoint, l'accompagner avec C.
Juste avant parler avec T. et N. : insultes raciales..." il m'a dit qu'avec la gueule que j'ai je pourrais pas rentrer en boîte"...
Dans un coin de ma tête, recomposer le cours, T; est toujours d'un calme olympien, C; a un profil à réagir violemment mais ça n'explique la violence, ni la rapidité. Puis le flyer, la trousse de T; que C; lui pique, lui rend....

 

Dans le bureau, raconter la situation. L'instant d'avant C. avait menti, déclarant s'être évanoui, plaidant victime au lieu de responsable. "Tout ce que dit Mlle H; est vrai, c'est moi qui....". Le principal-adjoint évoque le père. Je prends congé du sermon d'une autre ère. (il est des adolescences comme des enfances où les parents ne sont pas les évidences qu'il faudrait).

 

Juste à côté, rédiger les rapports, demander si le père de T. peut venir, s'il faut appeler, accompagner T. aux urgences. Les secrétaires, les surveillants parlent de la situation de C; : les coups à la maison, sur la mère puis sur lui depuis peu. Soudain, C. passe comme une flèche, sortant du bureau du principal-adjoint.

 

Le retrouver avec un surveillant, rester parler avec lui, un moment. Larmes aux yeux, tendu, à cran. Mettre des mots: comprendre qu'il est mal, qu'il l'a cherché, qu'il est mal mais que tout ça n'ôte rien à la responsabilité de son geste, distinguer même s'il y a un lien son histoire et ce qui s'est passé en e.

 

Retourner avec lui à l' administration où l'on me passe le père, militaire. De lui, j'entends le hiatus entre l'autorité d'une fonction et celle d'un père qui ne sait pas mettre des mots sur les silences, préférant porter des poings plutôt qu'apprendre à communiquer....Trouver un équilibre entre C., son père et la direction, proposer la discussion...le principal-adjoint propose demain 14h.

Aller voir T. dont le père est arrivé. Lui dire que s'il veut porter plainte, a besoin d'un témoignage, je suis disponible. Le prof principal et le principal-adjoint se joignent à nous: l'un défend la situation familiale de C., l'autre dit à T; sonné qu'il doit penser à son test de sécurité routière. Chacun sait que le père n'osera pas, chacun l'invitant à porter plainte avec une attitude désengagée....

Il est 18h...Tout retombe...Forcément le "pourquoi je n'ai pas vu venir...", puis l'anticipation: la responsabilié-culpabilité qui m'incomberait aux yeux des parents ou de la direction....

Cette dernière où était-elle? "Pas disponible" , après qu'une secrétaire l'ait prévenu, juste à côté dans une salle, seul face à son p.c....

A suivre

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article